La diversité des industries culturelles et de leur rapport au territoire rend éminemment complexe l’analyse de la notion de ville créative, qui désigne d’abord une ville où travaillent et produisent des créatifs, mais dont la perception publique n’a lieu que si la créativité transparaît dans l’espace urbain, voire dans le cadre d’une identité culturelle globale. Par métonymie, et parce qu’il est plus facile de manipuler les représentations que la réalité socio-spatiale d’une ville, certaines villes de diffusion de culture peuvent être perçues comme créatives, alors qu’elles n’accueillent ni créatifs ni industries créatives (ou marginalement).
Certaines villes peuvent être perçues comme créatives, alors qu’elles n’accueillent ni créatifs ni industries créatives.Dès lors, une fois ce trompe-l’œil écarté, se posent les questions suivantes : les villes françaises sont-elles créatives ? Quels sont les territoires des industries créatives en France ? Quelles relations industries créatives et villes entretiennent-elles ?
On observe une tendance au regroupement et à la création de centralités sous forme de quartiers spécialisés, parfois appelés clusters créatifs.L’INSEE avance la définition suivante des clusters créatifs : « la concentration d’entreprises et d’actifs du secteur créatif géographiquement proches ». Selon l’IAU « la présence simultanée d’une main-d’oeuvre spécialisée, des consommateurs et des producteurs de contenu, des donneurs d'ordre, des institutionnels et des organismes financiers crée les synergies et l’identité du cluster créatif ». Cette dynamique de regroupement en clusters a pour effet de donner de la visibilité à ces acteurs, d’élargir un marché du travail très pointu (ingénieurs son, chefs opérateurs etc.), et surtout de permette d’avantage d’interactions sociales. Dès lors, la ville, en tant qu’espace d’interaction, joue un rôle déterminant dans un processus de production artistique, « le territoire métropolitain se substitue à l’entreprise comme support de l’organisation de la production »(2) - d’où l’importance des atmosphères urbaines (bohême etc...) promues par Florida. Par les liens qu’elles tissent avec le territoire et ses acteurs, les industries créatives s’organisent en systèmes territoriaux plus ou moins resserrés reliant entreprises, acteurs publics, établissements d’enseignement, lieux de sociabilité, …
La friche est devenue un signe si associé à la modernité que les pouvoirs publics se l’approprient parfois sans attendre la venue spontanée de créatifs.On peut suivre ce phénomène à Roubaix, avec l’occupation d’une ancienne usine textile par le studio de jeux vidéo Ankama : petite entreprise de trois employés créée en 2001 dans un local de Roubaix, Ankama s’installe rapidement dans la ruche d’entreprise de Tourcoing, avant d’investir en 2007 l’ancienne Maison Vanoutryve, une manufacture de tissus pour ameublements partie pour la Belgique en 2001. La friche est devenue un signe si associé à la modernité que les pouvoirs publics se l’approprient parfois sans attendre la venue spontanée de créatifs, dans une double logique de soutien à la création et de patrimonialisation des héritages industriels : on fait de ces espaces des lieux d’exposition, comme la Sucrière à Lyon qui est investie par la Biennale de l’Art Contemporain, ou encore des espaces de création, comme à Loos-en-Gohelle, dans la périphérie de Lens, où un ancien terril est réaménagé par Culture Commune, la Scène Nationale du Bassin Minier du Pas-de-Calais.
La transformation socio-économique du quartier peut exclure petit à petit les populations locales, sous des dehors de véritable réussite.Lorsque les industries occupent des espaces périphériques, la création de centralité est plus sensible : les entreprises du numérique et de l’audiovisuel restructurent la Plaine Saint-Denis, attirent de nouveaux commerces, et contribuent à la augmentation des prix du foncier. Si ces dynamiques bénéficient au quartier d’un point de vue général, elles peuvent ignorer, voire pénaliser, les populations résidentes : dans le cas de la Plaine Saint-Denis, les entreprises recrutent des employés dans l’ensemble de l’agglomération et n’emploient de fait que peu de locaux, alors que leur présence augmente la pression immobilière et attire des commerces qui ne s’adressent pas aux locaux. La transformation socio-économique du quartier peut ainsi exclure petit à petit les populations locales, sous des dehors de véritable réussite. Cependant, les industries créatives ne sont pas le seul facteur à l’origine de ces processus, qui sont largement portés par la dynamique géographique générale de l’agglomération parisienne (gentrification des quartiers populaires centraux et des communes de la première couronne...). On constate aussi que l’échange des industries créatives avec le territoire dépend de la nature de ces industries. Les médias de masse montrent un rapport faible au territoire, puisque par définition le produit de leur industrie sera vendu et consommé sur un territoire beaucoup plus large – national dans le cas de la télévision, international dans le cas du cinéma, du jeu vidéo et de la création numérique. À l’opposé, le spectacle vivant est une industrie fondamentalement locale. Entre ces deux pôles, les industries du design et la mode peuvent offrir des espaces d’exposition et des interactions plus variées avec le territoire et ses pratiquants.
Le développement d’industries créatives sur leur territoire est un véritable enjeu qui s’intègre à la stratégie de métropolisation des grandes villes françaises: elles contribuent à la diversification du tissu industriel, symbolisent l’entrée de plain-pied dans l’économie créative, et permettent d’acquérir le statut de métropole (si possible européenne). Il faut ici rappeler une chose : du fait de leur fragilité, les industries créatives sont avant tout dépendantes de l’environnement économique, social, fiscal à l’échelle nationale, et secondairement de paramètres territoriaux locaux. Les politiques menées localement peuvent cependant stimuler ces industries et les encourager dans le choix de leur localisation.
Les industries créatives représentent pour les villes françaises un élément de compétitivité territoriale.Le caractère éphémère de l’évènement pose la question de sa pérennisation : on cherche à passer de l’évènement à l’équipement, le festival est perçu comme un prétexte pour s’équiper et développer des politiques urbaines. À Angoulême encore, le Festival de la BD se traduit par une forte emprise partiale (noms de rues, inscriptions, murs peints, cité internationale de la BD et de l’image, pôle d’excellence Magelis…).
Accuser les journalistes de ne pas être « objectifs » est courant, mais c’est oublier qu’informer est toujours le fruit d’un choix où la totale neutralité fait défaut. Aussi, mieux-il vaut juger les journalistes sur « l’honnêteté » de leur regard sur les faits.