« Le bouton marqué "Publier" »
Le 7 juillet 2005, alors que plusieurs bombes éclatent dans le métro et les bus londoniens, le gouvernement annonce que l’incident pourrait être causé par un accident de surtension électrique. Quatre-vingt minutes plus tard, 1 300 blogs publiaient déjà des articles, des vidéos ou des photos montrant la puissance des explosions et prouvaient que des explosifs étaient à l’origine du drame. Deux heures après l’accident, le gouvernement britannique s’excusait pour son erreur et confirmait que les attaques étaient d’origine terroriste.
« Les nouveaux outils qui sont à notre disposition n’ont pas créé ces comportements, ils les ont permis », analyse Clay Shirky, et si autant de blogs avaient annoncé les attentats terroristes de Londres avant les autorités, ce n’est pas parce que l’invention du blog a donné envie aux gens de partager ce qu’ils savent et que les médias n’osent dire, mais bien parce qu’elle a donné aux gens les moyens de le faire, sans coût et immédiatement, avec l’apparition du bouton marqué « Publier ».
Il ne faut pas croire que le besoin de s’exprimer en public est nouveau, nous rappelle l’auteur, « celui-ci existe depuis toujours et bien avant que Gutenberg n’invente l’imprimerie ». Si les générations passées n’ont pas exprimé leurs opinions autant que ne le fait la nouvelle génération, ce n’est pas parce qu’elles n’en ressentaient pas le besoin mais plutôt parce qu’elles n’en avaient pas les moyens.
D’autres exemples viennent appuyer la thèse de l’auteur : l’écrivain Maxine Hong Kingston, récompensée par les National Book Awards, qui vante les mérites de la plateforme
open.salon qui lui a permis de publier un article sur Barack Obama qu’aucun journal n’acceptait de publier; des fans adolescentes d’un boys-band sud coréens qui appellent par le biais de la plateforme de fans à une grande manifestation contre l’importation de bœuf américain en Corée du Sud. Non politisées, elles seront pourtant des dizaines de milliers à manifester sans relâche, jours après jours, jusqu’à ce que le gouvernement cède.
À travers ces exemples, Clay Shirky démontre que les outils numériques sont, d’abord et avant tout, vecteurs de liberté et de cohésion, avant de conclure logiquement : les nouvelles technologies sont devenues indispensables à la société, parce qu’elles permettent de communiquer et de coordonner les initiatives humaines autant que de satisfaire le besoin profondément humain de s’exprimer en public.
« La vision ancienne du Web comme cyberespace éloigné du monde réel, est une erreur de l’Histoire », tout d’un coup un bouton marqué "Publier" apparaît partout, laissant à chacun la possibilité d’exprimer en public ce qu’il a à dire et il ne faut pas croire qu’une telle opportunité pouvait ne pas être saisie.