La course à la monétisation
Sur YouTube ou Dailymotion, la difficulté n’est pas tant de rassembler un public en masse mais de parvenir à transformer cette audience en monnaie sonnante et trébuchante. En 2013, Youtube a annoncé avoir dépassé le milliard de visiteurs uniques par mois. Ce succès d’audience est revendiqué avec fierté par le site, acheté en 2006 par Google pour la bagatelle de 1,65 milliard de dollars. « Si YouTube était un pays, il serait le troisième au monde, après la Chine et l'Inde », martelaient en mars 2013 ses dirigeants
sur le blog de la plateforme. De son côté, Dailymotion a su s’imposer partout dans le monde et fédère 120 millions de visiteurs uniques par mois. Cela a récemment amené Yahoo! à s’intéresser de près à l’entreprise française, avant que le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg ne s’invite dans le débat et ne fasse obstacle à l’acquisition de la plateforme.
Malgré ces belles performances sur le terrain de l’audience, les revenus générés demeurent désespérément bas. La faute à un « coût pour mille » – l’unité qui sert à mesurer le coût d’achat d’un espace publicitaire sur internet – bien inférieur à celui pratiqué par exemple par les plateformes de télévision de rattrapage. Pour faire grimper en flèche ce « coût pour mille » et parvenir à monétiser efficacement l’audience, les régies tentent de proposer aux annonceurs une audience la plus qualifiée possible. Cet objectif peut être atteint grâce à un travail effectué autour des métadonnées.
Sur YouTube ou Dailymotion, la difficulté n’est pas tant de rassembler un public en masse mais de parvenir à transformer cette audience en monnaie sonnante et trébuchante
Dans cette dynamique, de nombreux Multi-Channel Networks (MCN) se sont constitués en très peu de temps aux États-Unis. Fonctionnant comme un regroupement de chaînes sur YouTube/Dailymotion – ou toute autre plateforme –,
ces MCN ne sont pas sans rappeler les bouquets de chaînes de télévision traditionnelles. Certains d’entre eux, comme
Machinima ou
Fullscreen, se sont imposés et offrent à ceux qui les intègrent l’opportunité de booster leurs revenus. Dans le respect d’une charte des prix fixée par les plateformes, les MCN commercialisent directement les espaces publicitaires auprès des annonceurs. Très souvent thématiques, ces networks ont également fait leur apparition en France. Le spécialiste de la distribution numérique d’artistes et de labels indépendants Believe Digital a ainsi créé en 2013 un
label dédié à la distribution multiplateformes de ses partenaires. D’autres acteurs comme
Wizdeo ou Base79 tirent également leur épingle du jeu, tandis que Studio Bagel a récemment créé un MCN dédié à l’humour.
À la rentrée 2013, le
groupe Canal+ a investi dans le MCN Maker Studios, aux côtés d’opérateurs comme Singapore Telecom ou Time Warner. Ce jeune Network américain affole déjà les compteurs outre-Atlantique et gère un portefeuille de 16 000 artistes totalisant plus de 250 millions d’abonnés sur les chaînes YouTube. De son côté, M6 Publicité a annoncé en novembre 2013 la création de Comedy Network, une offre rassemblant les contenus des nouveaux talents de l’humour sur Internet, et dont les chaînes Golden Moustache (700 000 abonnés) et
Norman fait des vidéos (3 millions d’abonnés) sont les piliers. « Complémentaire aux contenus vidéos premium du Groupe M6, issus de ses antennes de télévision ou produits pour le digital, le « Comedy Network » est la première brique du réseau de chaînes YouTube opéré et commercialisé via ses filiales M6 Web et M6 Publicité » peut-on lire dans le
communiqué de presse de lancement.
Par ailleurs, on observe une montée en puissance du
brand content, c’est-à-dire des programmes financés par les marques. Il s’agit d’une alternative à la vente de
pre-rolls. Ces formats publicitaires d’une trentaine de secondes diffusés avant ou pendant la vidéo commencent en effet à montrer leurs limites et irritent de plus en plus un public dont la résistance à la publicité n’est pas infinie. En 2013, une opération de
brand content orchestrée par Orangina a été particulièrement remarquée. La marque de boisson gazeuse a uni pour l’occasion le Studio Bagel et Golden Moustache. Après huit mois de travail,
un court-métrage de 14 minutes a été proposé aux internautes, qui lui ont réservé un accueil très favorable.