Quand la radio se révolte
Peu coûteuse, facile à installer et à diffuser, la radio reste un média de choix lors des mouvements de contestation.
Peu coûteuse, facile à installer et à diffuser, la radio reste un média de choix lors des mouvements de contestation.
C’est un fait, la radio est un média ancien qui peine parfois à se renouveler comme on peut le voir à propos de la Radio Numérique Terrestre. Les personnes qui se sont aventurées sur la place de la République à Paris à partir du 6 avril 2016 à 18h étaient donc surprises de voir un écriteau suspendu à l’entrée d’une tente avec marqué dessus « Radio Debout ». Pourquoi se mettre autour d’une table tous les soirs pour tendre le micro aux « deboutistes » à l’heure d’internet et des réseaux sociaux ?
Les radioactivistes ont aussi largement soutenu les « nouveaux mouvements » qui portent sur des aspects davantage sociétaux liés à la sexualité, au genre, à la langue, à la couleur de peau, la communication… Ainsi, toute radio qui émet avant la prise de pouvoir de Mitterrand en 1981 participe d’un mouvement de libération des ondes que les radiolibristes lient aux droits de l’homme dans le domaine de la communication (la CEDH amplifiée par le rapport McBride) : liberté d’informer, d’être informé, de communiquer, d’expression, d’entreprendre… Aux États-Unis, le réseau Prometheus Radio Project a obtenu en 1996 la signature du « Communication Act » pour laisser de la bande FM aux radios communautaires et indépendantes.
Toute radio qui émet avant la prise de pouvoir de Mitterrand en 1981 participe d’un mouvement de libération des ondes que les radiolibristes lient aux droits de l’homme
Très concrètement, le « journal sans papier et sans frontière » selon Lénine peut être compris par les analphabètes qui représentent 30 % des portugais pendant la très radiophonique Révolution des Œillets. La radio oblige aussi à se focaliser davantage sur le contenu de ce qui est dit que sur la personne et les enjeux d’apparence (jamais totalement absents). C’est ce qui a le plus intéressé les intellectuels Umberto Eco, Gilles Deleuze, Félix Guattari… qui ont soutenu les radiolibristes dès 1977. Pour Félix Guattari, la radio doit être « un instrument de renouvellement des moyens d’expression des luttes sociales et nullement comme une fin en soi ».
La radio oblige aussi à se focaliser davantage sur le contenu que sur la personne et les enjeux d’apparence
En dehors de la personne qui est derrière le micro, nul ne sait ce qui va être dit la seconde d’après
En plus du direct, la radio bénéficie de la simplicité, la souplesse, la légèreté, la maniabilité.Les radiolibristes qui ont pensé qu’ils pourraient lancer des télévisions pirates (Canal 24, Antène 1, TIME !) aussi facilement se sont cassés les dents. La radio bénéficie d’avantages autant au niveau de la réception (grâce aux transistors qui permettent une réception FM en déplacement) que de la production (grâce aux radiotéléphones, aux magnétophones Revox et Nagra…).
Les activistes doivent faire face aux autorités qui utilisent le brouillage, la dissolution des associations, la saisie du matériel, l’arrestation et l’inculpationCet atout est nécessaire car les activistes doivent faire face aux autorités qui utilisent le brouillage, la dissolution des associations, la saisie du matériel, l’arrestation et l’inculpation. En France, dès 1977, le pouvoir se dote d’un outil de brouillage qui avait été utilisé contre Radio Andorre en 1948 et 1949. à la place de l’émission de Radio Active en lutte contre Superphénix, c’est un sifflement se modulant entre l’aigu et le grave que l’on peut entendre en février 77. Pour lutter contre une tentative d’émission de Radio Verte le 16 mai 1977, TDF, à qui est confié le monopole du brouillage en plus du monopole de la diffusion, utilise deux contre-émetteurs depuis la tour Eiffel : un sur la fréquence annoncée par la radio et un 50 hz plus bas. Par ailleurs, un hélicoptère de la protection civile tente de repérer l’antenne par radiogoniométrie, un procédé qui détecte la direction d’un émetteur fixe ou mobile par triangulation. Globalement, le brouillage est plutôt efficace malgré les oppositions des syndicats (qui obligent TDF à confier le brouillage sur Paris à sa filiale TDI moins syndiquée) et le fait que les salariés arrêtent de travailler de 22h30 à 7h.
Le problème du financement se pose aussi vite que les questions techniques. Deux types de problématique se posent : les « radios-tract » ont une activité le temps d’une lutte ; celles que l’on peut appeler « radios de siège » veulent s’installer dans la durée. Dans les premières, on peut compter sur le bénévolat des militants et sur l’argent de l’organisme derrière la lutte qui utilise la radio comme un instrument de communication parmi d’autres.
Compte-tenu de ces difficultés et des postradiomorphoses, Radio Debout a fait le choix de la webradiophonie hébergée sur la plateforme live radio Mxlr qui permet en parallèle des chats, quand les discussions n’ont pas lieu sur les réseaux sociaux. Ses animateurs ont un micro dans une main et un smartphone dans l’autre. Dans le contexte occidental et même franco-parisien, il était difficilement envisageable de mettre en place une Radio Debout « libre » hertzienne même temporaire.
Claude COLLIN, Ondes de choc : De l’usage de la radio en temps de lutte, L’Harmattan, 1982
Qu’est-ce qu’un grand procès ? Qui décide comment sont archivés ces moments historiques de la justice ? Comment avoir accès par la suite aux documents ? Tant de questions auxquelles nous allons répondre dans cet article.