Fournisseurs de messagerie et maîtrise du jeu comme service
Il serait pourtant erroné de voir le Japon comme un territoire exclu du marché des jeux mobiles. Car si les éditeurs historiques du pays semblent incapables de saisir la balle au bond, de nouveaux acteurs ont pris une place de choix sur ce marché. Le succès de LINE est révélateur du succès que peuvent avoir les éditeurs mobiles qui proposent un catalogue adapté aux supports mobiles et surtout lié à une offre de services plus vaste. De la même manière que
Facebook a su lier son réseau social à la pratique des jeux occasionnels, le modèle dominant semble devenir la mise à disposition d’une offre de service regroupant jeux et communications mobiles.
Le modèle dominant semble devenir la mise à disposition d’une offre de service regroupant jeux et communications mobiles
LINE au Japon, KakaoTalk en Corée, WeChat (Weixin) en Chine : les grands gagnants du jeu mobile en Asie sont ceux qui ont d’abord su s’imposer comme des plates-formes sociales à travers la mise à disposition d’applications de messagerie instantanée.
Pour LINE, la distribution de jeu est intimement liée aux services proposés par l’entreprise comme à son image de marque.
L’interdépendance des applications de messagerie et du jeu mobile en Asie est devenue indéniable. Les trois principales applications de chat asiatiques (WeChat, Line, KakaoTalk) sont également des éditeurs majeurs de jeux mobiles sur leur territoire. Et bien que les applications de messagerie soient leur produit phare, c’est au niveau de la distribution de jeux que les revenus sont engrangés.
Tencent, qui détient WeChat, déclare ainsi gagner la moitié de ses revenus grâce aux jeux
Le Chinois Tencent, qui détient
WeChat, déclare ainsi gagner la moitié de ses revenus grâce aux jeux,
tandis qu’ils représentent
près de 60 % du chiffre d’affaires du Japonais LINE. Les deux activités sont inséparables pour ces acteurs et forment des plate-formes sociales et de jeux qui conditionnent de plus en plus les habitudes des consommateurs mobiles (il est ainsi indispensable de posséder l’application de messagerie pour jouer aux jeux liés, qui offrent ensuite une ribambelle de fonctions sociales liées à la pratique des jeux).
La maîtrise du jeu comme service est également à mettre sur le compte de la prédominance du marché PC
free-to-play en Chine et en Asie du Sud-Est durant les années 2000. Les compagnies qui brillent sur le marché mobile - comme le Chinois Tencent et le
Vietnamien VGN - ont fait leurs armes avec le jeu
free-to-play, si éloigné du modèle traditionnel de la production de jeux à gros budgets aux prix de vente élevés. Les grands succès du
free-to-play sur PC qui ont propulsé ces entreprises (comme
Crossfire et
League of Legends) ont laissé la voie libre à un nouveau modèle économique où le jeu est vu comme un service, au coût d’entrée nul (puisque le jeu est gratuit) mais aux profits importants sur le long terme à condition que les éditeurs investissent pour garder leurs jeux attrayants au fil du temps – à travers des mises à jours, évènements, mises à disposition de nouveaux contenus. Le maintien des jeux-services devient un nouvel enjeu pour les éditeurs de jeux mobiles, qui doivent limiter leur catalogue au risque de trop augmenter les coûts de fonctionnement.
Le maintien des jeux-services devient un nouvel enjeu pour les éditeurs de jeux mobiles, qui doivent limiter leur catalogue au risque de trop augmenter les coûts de fonctionnement
Le faible catalogue de jeux proposé sur la plate-forme mobile WeChat de Tencent (
seulement trois titres au lancement), le dégraissage du catalogue LINE (
avec la fermeture de 20 jeux à l’été 2014) sont autant d’exemples de la nécessité de penser les jeux mobile comme un service dont l’entretien est conditionné par la base de joueurs.