USHAHIDI, ZOOPY ET AFRIGATOR : TROIS RÉFÉRENCES INCONTOURNABLES
Avec
Ushahidi, l’Afrique a donné aux organisations humanitaires une référence qui est en train d’essaimer dans les zones de tension. D’une situation de crise est né un concept totalement novateur. L’aventure d’Ushahidi a commencé durant les violents troubles ayant suivi les élections présidentielles au Kenya, début 2008. Pour relayer une information défaillante sur les évènements - car censurée par le gouvernement -, une avocate kenyane, Ory Okolloh, vivant en Afrique du sud s’est lancée dans la création d’un site Web qui permettait à chaque citoyen de signaler
via des alertes SMS, MMS ou mail, les violences dont il était victime ou témoin. Ces informations étaient alors replacées sur une carte de Google Map, pour donner l’état des troubles en temps réel, dans toutes les régions du pays. Ushahidi, qui signifie « témoignage », est ainsi devenu, en quelques jours, la première source d’information sur les violences postélectorales pour les Kenyans de l’intérieur et de la diaspora. « La technologie est l’un des rares moyens qu’ont les jeunes Africains de contourner les carences du système qui font que le statu quo se perpétue. Elle abaisse les obstacles à l’accès pour tous ceux qui veulent participer et faire entendre leur voix », déclare au journal
Afrique Renouveau, édité par les Nations unies, David Hersman, l’un des co-fondateurs d’Ushahidi pour qui le seul objectif du site était de « démocratiser l’information ».
Depuis, la plateforme Ushahidi a évolué et est devenue une référence dans le monde de l’action humanitaire. Ses trois principes de base sont : facile d’utilisation, accessible à tous et utilisable partout dans le monde. Elle a servi pour superviser les élections en Guinée, en Éthiopie, au Soudan, au Togo, en Inde, au Mexique et au Chili, pour suivre les conflits en République démocratique du Congo et à Gaza, les séismes et les inondations en Haïti et au Pakistan. Ushahidi est également à l’origine du logiciel libre
Swiftriver qui permet de filtrer et de vérifier en temps réel le flux d’informations provenant de sources comme Twitter, SMS, MMS, email et flux RSS. Ushahidi a également été nommé « Meilleur blog de l’année 2010 » par la Deutsche Welle.
L’un des réseaux les plus populaires du continent en termes de fréquentation est le Sud-africain
Zoopy. Celui-ci fonctionne sur le même modèle que You Tube et Flickr : donner à tous la possibilité de proposer ou de télécharger des photos, des vidéos ou des fichiers audio. Lancé en mars 2007 par un informaticien sud-africain, Jason Elk, Zoopy a rapidement suscité l’intérêt des milieux d’affaires, attirés par le potentiel commercial d’une fréquentation élevée. Neuf mois après sa création, le site a été sélectionné par Nokia pour devenir son partenaire commercial pour l’Afrique de l’ouest et australe. En juin 2008, Vodacom, leader de la téléphonie sud-africaine et filiale du numéro deux mondial de la téléphonie mobile, Vodafone, en est devenu actionnaire à 40 % avec l’objectif de porter sa participation à 79 %. Avec ses 40 millions de clients, dont 27 millions en Afrique du Sud, et le reste dans les pays voisins (Mozambique, Tanzanie, Lesotho, République démocratique du Congo, Botswana), Vodacom a réalisé un chiffre d’affaires de 58,5 milliards de rands (5,5 milliards d’euros) en 2009. Cet investissement lui permet d’intégrer le secteur du multimédia. De leur coté, les dirigeants de Zoopy ont reconnu que les investissements prévus pour soutenir la croissance de la start-up imposaient de s’allier avec un groupe financièrement puissant. Le choix s’est porté sur Vodacom en raison des possibilités offertes par une telle alliance de développer les activités de la plateforme dans le secteur de la téléphonie mobile.
Lancé en avril 2007, également en Afrique du sud,
Afrigator est le plus important annuaire africain sur Internet. Il se définit comme un « agrégateur social et un annuaire pour les citoyens digitaux africains qui consomment et produisent du contenu ». Peu après son lancement, CNN’s Business 2.0 le désignait déjà comme « l’une des 31 sociétés à surveiller hors États-Unis » et le blog
Read Write Web le définit comme « le meilleur des médias sociaux africains »
. Six mois après son lancement, Afrigator référençccedil;ait déjà 1 200 blogs et attirait 12 500 visiteurs par mois, selon le site sud-africain spécialisé
Mybroadband. L’un de ses co-fondateurs, Justin Hartman, revendiquait une croissance de 25,5 % par mois. Ce dynamisme n’a pas tardé à attirer l’attention du groupe multinational de presse et de communication sud africain Naspers (2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2009) qui en est devenu propriétaire en septembre 2008. Le site sud-africain
bizzcommunity.com a justifié ce rachat par le fait qu’Afrigator « propose le meilleur contenu numérique que le continent africain puisse offrir : news, blog, podcasts, vidéos et photos ». Pour Justin Hartman, l’apport financier du groupe Naspers via sa filiale MIH a permis à l’entreprise d’accéder « à un niveau supérieur et même au-delà ». MIH Holdings est la branche médias électroniques de la multinationale sud-africaine et contrôle les activités de télévision payante et d’Internet. Présente en Afrique du Sud où elle réalise 72 % de son chiffre d’affaires, elle se développe depuis une dizaine d’années dans plusieurs pays en développement et émergents avec des acquisitions en Chine, en Inde, en Thaïlande, au Brésil et en Russie. La branche média papier de Naspers est quant à elle contrôlée par Media 24, le premier groupe de presse africain. Alors qu’aujourd’hui, Afrigator annonce toucher 1,8 million d’utilisateurs, ses fondateurs ont décidé, début 2010, de retrouver leur indépendance en rachetant les parts cédées à MIH quinze mois plus tôt.