Maintenir sa place dans le groupe Viacom
Les
big six sont les six majors hollywoodiennes : Warner Bros., Universal Pictures,
Sony Pictures Entertainment, 20th Century Fox, Walt Disney et Paramount, toutes détenues par des conglomérats média. Ainsi, Paramount, dont le logo à la montagne est connu de tous les spectateurs, fournit des contenus pour les différentes fenêtres d'exploitation du groupe Viacom, une fois la distribution en salles effectuée (DVD, VOD, câble payant et basique, plateformes digitales, hôtels et avions). Paramount est donc une major aux yeux du monde mais une filiale au sein de Viacom, précision importante car les décisions ne sont donc pas prises uniquement pour la rentabilité de la société, mais pour l’équilibre financier du groupe entier. Ainsi, le résultat d'exploitation de Paramount a représenté 1,4 % de celui de Viacom en 2008, et 7,5 % en 2009. Son chiffre d'affaires de 6 milliards en 2008 est passé à 5,5 milliards en 2009. Il représente pourtant un tiers, voire la moitié, du chiffre d'affaires de Viacom selon les années. Mais l'industrie cinématographique est une industrie de « prototypes », c’est-à-dire, qui se caractérise par un cycle de projets par essence volatile ; et si des années peuvent être fructueuses en termes de revenus (productions qui fonctionnent en salles et plus tard en DVDs), d'autres peuvent l'être moins en fonction des films sortis, de ceux sortis par la concurrence, du climat général qui influe, de manière quasi imprévisible, sur ce qui sera un succès ou un échec commercial. Communément, les pics de fréquentation des salles se situent, annuellement, pendant l'été, les vacances et au dernier trimestre de l'année.
Pour être plus précis, Paramount se caractérise davantage par des accords commerciaux avec des partenaires extérieurs, que par un développement interne. Ainsi, le studio a racheté la filiale
live action de DreamWorks SKG, la société de Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen, en 2006 pour un montant de 1,6 milliards de dollars, mais l’accord a pris fin en 2008 pour des différends de direction : il est à noter que l’effet n’est pas immédiatement remarquable dans les comptes. Paramount passe également des accords de développement et de financement avec des producteurs. Il n'y a pas à proprement parler deproducteurs maison (
inhouse producers), et on se souvient de l'équipe formée par Tom Cruise et Paula Wagner qui officiait depuis 14 ans principalement pour leur franchise
Mission Impossible, et qui s'est faite débarquer en 2008, selon la presse, par le président de Viacom, Sumner Redstone. Enfin, Paramount passe aussi des accords de distribution avec les producteurs : en 2008, Paramount avait signé un accord avec
Marvel Studio pour l’utilisation de licences comme
Iron Man. Mais Marvel Entertainment, constitué également de la société d’édition de comics, s’est fait racheté par The Walt Disney Company en 2009. Paramount pourra néanmoins continuer à distribuer les adaptations qu’elle a signées jusqu’à 2012. Ces accords sont très coûteux et leurs amortissements s'étalent sur des décennies. Sur 2009, les films (passés comptablement en tant que stocks) représentent 1,4 milliards des charges, dont la moitié a déjà été sortie, un tiers est en développement, et le reste (12 %) est fini, mais pas encore sorti.
Paramount finance ainsi des films pour la production, les distribue sur le territoire nord-américain, et également sur 36 autres pays à travers sa filiale Paramount Pictures International basée à Londres. La puissance de Paramount, à un niveau financier, provient à 72 % du territoire américain pour l'année 2009 : s'il n'est pas négligeable de considérer les 28 % apportés par son implantation mondiale, la société reste avant tout une société américaine.
La ligne éditoriale de Paramount sert concrètement de vitrine pour le groupe : si les revenus provenant des salles ont diminué de 23 % en 2009 avec 393 millions de dollars et ceux des DVDs de 8 % avec 223 millions de dollars, les revenus provenant des droits d'exploitation de diffusion en télévision ont augmenté de 4 % avec 50 millions de dollars et ceux des activités annexes, appelées
ancillary, de 6 % avec 15 millions de dollars. Ceci correspond à la volonté du groupe Viacom de se recentrer sur l'existant, à savoir les franchises et les marques, et non de développer des projets de nouveaux films. En décembre 2008, avec la crise économique en ligne de mire, la filiale indépendante de Paramount, Paramount Vantage, qui a financé plusieurs films récompensés par des Oscars comme
No Country for Old Men des frères Coen,
There will be blood de Paul Thomas Anderson ou encore
Babel de Alejandro González Iñárritu, a été
fermée après dix ans d'activité. Pourtant, la société est toujours considérée en activité dans le bilan de Viacom, devant certainement s’engager à distribuer les derniers films pour lesquels elle s’est engagée.
Les divisions qui sont désormais les plus importantes en termes de revenus et d'orientation stratégique au sein de Paramount, sont :
- Paramount Digital Entertainment qui s'occupe des sorties digitales et des nouveaux modes de distribution dont la VOD
- Paramount Licensing qui s’occupe de l’exploitation des licences de The Godfather, Grease, Star Trek, etc.
-
Paramount Studio Group qui gère les infrastructures et équipements de tournage et de post production. Dans la mesure où Paramount est la seule major encore
basée à Hollywood-même,est cela lui permet de faire jouer son assise patrimoniale, encore teintée de prestige, pour louer les studios.
- Worldwide Distribution Television qui gère la distribution des films Paramount sur le pay-per-view, via la VOD, les chaînes du câble, les chaînes payantes et gratuites
- Paramount Famous Productions qui prend en charge les projets de remakes, prequels et sequels du catalogue Paramount
La stratégie de la division film du groupe Viacom a donc été dévitalisée de tous les risques inhérents à cette industrie, comme le développement et packaging de projets, ou encore la recherche de réalisateurs, afin de se dévouer à l'exploitation des ressources déjà existantes de Paramount et de son catalogue de plus de 650 films.
En 2005, après les douze ans de règne de Sherry Lansing, Sumner Redstone, le PDG de Viacom, nomme Brad Grey, un agent et producteur du monde de la télévision, à la tête de Paramount. Celui-ci recrée son équipe en faisant principalement venir des responsables de chaînes de télévision (
networks). Encore une initiative qui illustre la volonté du groupe d'accorder davantage de crédit aux méthodes audiovisuelles que cinématographiques. Brad Grey a dû réduire les coûts, à la fois en diminuant le nombre de films distribués, ainsi qu'en coupant la masse salariale et les frais généraux. Ainsi, Paramount achète des sociétés, les revend quand elle se rend compte que les profits cross-collatérisés ne sont pas à la hauteur de ses attentes ou lorsqu’elle est mise au pied du mur, et tente ensuite de réduire les coûts cycliquement. MGM, détenu conjointement par Sony et
Comcast depuis 2005, a déposé le bilan le 3 novembre 2010, et vient d’être sauvée par les 500 millions de dollars injectés par plusieurs entités,
dont le milliardaire Carl Icahn qui détient une participation importante dans Lionsgate. Ainsi, MGM ne fait plus partie du giron Sony, désormais aux mains de différents financiers. Quand l’avenir de chaque major dépend du groupe media qui la détient, il devient nécessaire et impérieux d’afficher des bénéfices au bilan du groupe, au risque de perdre sa place dans le cas contraire.