Pixar : histoire du studio d’animation le plus innovant d’Hollywood

Pixar : histoire du studio d’animation le plus innovant d’Hollywood

En plaçant au coeur de ses préoccupations la créativité et les prouesses technologiques, Pixar est devenu en quelques années, malgré les désaccords qui ont ponctué leurs relations, la plus belle vitrine des studios Disney.

Temps de lecture : 6 min

Mondialement connue depuis 1995 et le premier long-métrage d’animation en images de synthèse de l’histoire du cinéma, Toy Story, Pixar Animation Studios est une société américaine de production de films animés par ordinateurs qui appartient à Disney depuis 2006. À l’origine de la création du studio en 1986, on trouve « Graphics Groupe » qui n’était qu’un service de la division informatique de la société du créateur de La Guerre des étoiles, Lucasfilm.
 

Edwin Catmull, recruté par George Lucas à la création du service en 1979 est aujourd’hui président du studio qu’il a créé avec John Lasseter et Steve Jobs en 1986. Pixar est également devenu un des acteurs majeurs du cinéma mondial avec la montée en puissance de l’animation au cours des vingt dernières années.
 
Se positionnant volontiers comme héritiers spirituels de Walt Disney, les dirigeants du studio ont, dès la mise en chantier de leur premier long métrage, signé un accord de distribution portant sur plusieurs films avec Disney. Le succès rencontré par le studio dès Toy Story met, cependant, en péril la position hégémonique de Disney sur le marché occidental du cinéma d’animation et remet en cause le modèle de l’animation traditionnelle par la révolution technologique qu’il incarne. L’accord de distribution fut maintes et maintes fois revu et réévalué par les deux studios, et les relations entre eux connurent de nombreux rebondissements avant d’aboutir à l’acquisition de Pixar par Disney.

La technologie au service du succès

Pour bien comprendre ce qu’est Pixar, il faut revenir aux origines du studio qui, lors de sa création, était avant tout un prestataire technique spécialisé dans le développement de logiciels pour la création d’animation. Le studio vendait à des créateurs, dont Disney, ses solutions technologiques. John Lasseter, ancien animateur chez Disney- qui rejoint le service de Lucasfilm, qui deviendra Pixar- a l’idée de créer des court-métrages en images de synthèse afin de pouvoir démontrer l’efficacité des produits de la firme. C’est d’ailleurs ainsi que naîtra Luxo Junior, la petite lampe animée devenue le logo de Pixar.
 
Une fois Pixar constituée, la société développe Renderman, sa gamme de solutions techniques qu’elle utilise et commercialise, et qui évolue au fil de ses utilisations dans la production des films du studio. Les produits Renderman représentent encore 5 % des revenus du studio et, grâce à ce pôle de recherche intégré, Pixar s’attire les meilleurs techniciens de l’animation et de la création artistique.
Parallèlement aux développements technologiques, Pixar a changé les règles de production des long métrages d’animation en se basant sur des préceptes édictés par John Lasseter (qui réalisa lui-même les deux premiers Toy Story, 1001 Pattes et Cars) sur la mise en avant de « l’histoire » (« Ce n'est pas la technologie qui divertit le public. Ni aucun medium en particulier. C'est ce que vous en faites qui compte. Et chez Pixar, nous sommes avant tout attachés à l'histoire. Raconter une belle histoire avec des personnages solides. »), de la qualité (« La qualité est le meilleur business plan qui soit ») et de l’ambiance de travail puisqu’il part du principe (très répandu dans le milieu californien des start-up) que le plaisir qu’auront ceux qui travaillent sur un film à le réaliser trouvera son équivalent dans le plaisir qu’auront les spectateurs en voyant le film.
 
Toy Story, symbole à jamais de la révolution en termes de création d’images animées, de façon de raconter les histoires et d’utiliser des technologies, restera dans l’histoire du cinéma, le premier long métrage d’animation en images de synthèse et un succès mondial avec 362 millions d’euros de recettes.
 
Suivirent 1001 Pattes (A Bug's Life, 1998), Toy Story 2 (1999), Monstres et Cie (Monsters, Inc., 2001), Le Monde de Némo (Finding Nemo, 2003), Les Indestructibles (The Incredibles, 2004), Cars (2006), Ratatouille (2007), WALL-E (2008), Là-haut (Up, 2009) et, dernièrement, Toy Story 3 (2010). Ces 11 films ont généré plus de 6 milliards de dollars de bénéfice dans le monde et, pour l’instant, 35 nominations et 9 oscars(1).
 
Pixar se permet même de relancer la mode du court-métrage diffusé avant le long métrage en salles, ce qui permet à ses équipes de tester leur créativité et des innovations technologiques en « grandeur nature ». Et, une fois de plus, l’opération est un succès puisque le studio a récolté 9 nominations et 3 Oscars du meilleur court-métrage animé. Tout cela en 15 ans depuis la sortie du premier film.

Une gouvernance hors-du-commun

Si Disney acquiert Pixar en 2006 pour 7,4 milliards de dollars, le studio, qui était entré en bourse en 1995, ne devient pas pour autant une filiale comme les autres. La bataille a duré quelques années et a coûté sa place à Michael Eisner, PDG de Disney de 1984 à 2005.
 
Le rachat permet à Steve Jobs (PDG d’Apple) de devenir administrateur et premier actionnaire individuel de Disney avec plus de 6 % du capital devant le neveu de Walt Disney, Roy E. Disney, et l'ancien PDG Michael Eisner. Quant aux deux autres créateurs de Pixar, ils se retrouvent à des postes clés chez Disney. Ed Catmull cumule les fonctions de direction de Walt Disney Animation Studios et de Pixar tandis que John Lasseter prend la direction artistique de toute l’animation du groupe Disney.
Les différents accords contractuels et de principes (gentlemen’s agreements) donnent encore à Pixar des pouvoirs de décision assez inédits. Malgré les « doubles postes » occupés par Catmull et Lasseter, les sociétés n’ont pas fusionné et l’accord-cadre garantit à Pixar une entière liberté artistique, le maintien de son siège social historique d’Emeryville (Californie), la pérennité de sa méthode de gestion des ressources humaines ainsi que, suite au désaccord qui avait entouré la production de Toy Story 2(2), la maîtrise totale des suites mises en chantier par le studio.
 
Le studio DreamWorks, créé en 1994 par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg (ancien responsable de l’animation de Disney) et David Geffen, qui était devenu le principal concurrent(3) de Pixar sur le territoire de l’animation en images de synthèse avec Shrek en 2001 a, lui aussi, passé un accord avec Disney. La maison-mère de Pixar se retrouve donc à la tête de l’essentiel de la distribution des productions d’animation américaines.
 
L’équipe originelle de Pixar garde aussi la mainmise sur les produits dérivés et les parcs à thèmes. Ce dernier secteur représente à lui seul près de 30 % du chiffre d’affaires du groupe (17 % pour le cinéma d’animation) tout comme les activités « loisirs » de Disney (hôtels, croisières, …). John Lasseter a aussi négocié dans ses attributions le rôle de conseiller créatif pour la filiale « Parcs et Loisirs », Walt Disney Imagineering. Les dernières attractions mises en route sur le parc francilien Eurodisney sont d’ailleurs issues de la licence Toy Story.

Plus qu’une filiale, un studio dans le studio

Si Pixar jouit d’une image extrêmement forte depuis quinze ans grâce à une suite continue de succès publics et critiques, le studio est parvenu à garder son influence sur son cœur de métier, la création de films d’animation en images de synthèse, tout en devenant une filiale à 100 % du géant historique du secteur. Basé sur des histoires fortes qui prennent comme base la famille, Pixar, digne héritier en ce sens de Disney, doit être vigilant quant à la capacité de son concurrent DreamWorks à obtenir des succès en se positionnant sur un marché plus adulte (ironie, double lecture et critique des « valeurs » incarnées par Disney dans les films de la licence Shrek par exemple) et qui capitalise sur la promotion des films d’animations par les acteurs vedettes recrutés pour le doublage. Pixar, libre mais intégré, doit éviter les écueils du mainstream qui ont fait vieillir l’image de sa maison mère, plus encline à vendre des programmes télés, des peluches et des entrées dans ses parcs d’attractions que d’être à la pointe de la création artistique.
 
Lasseter, âme incarnée de l’esprit Pixar, semble avoir pris en compte ces risques en repositionnant la création animée de Disney sur le dessin animé traditionnel[+] NoteJohn Lasseter au sujet de « La Princesse et la Grenouille », The Telegraph, 14 janvier 2010  et en laissant le créneau des images de synthèse et de la 3D à Pixar, engagé à incarner la modernité du groupe. Même si John Lasseter semble toutefois avoir cédé aux sirènes rémunératrices des productions télévisées avec la série de Toons dérivés du film Cars ou les dessins animés autour de Buzz l’éclair, l’un des héros de Toy Story.
 
Pixar a mis en chantier, pour la première fois de son histoire un film en prise de vue réelle (1906 qui relate un tremblement de terre ayant eu lieu cette année-là à San Francisco). Cela illustre la volonté de Lasseter de positionner Pixar comme un studio de cinéma à part entière qui incarnerait la modernité du groupe Disney.

Données Clés

Président : Edwin Catmull
 
Actionnaire : The Walt Disney Company (100 %)
 
Nombre de salariés  : 850
 
Chiffre d’affaire Pixar : N.C.
 
Chiffre d’affaire Disney (2009) : 36,3 millions de dollars
 
Part de l’animation dans le CA de Disney (2009) : 17 %

Bibliographie sélective

Bill CAPODAGLI, Lynn JACKSON, Innovate the Pixar way : business lessons from the world's most creative corporate playground, McGraw-Hill Professional, 2009
 
David A. PRICE, The Pixar touch: the making of a company, Vintage Books, 2009
 
Robert VELARDE, The Wisdom of Pixar: an animated look at virtue, VP Books, 2010
 
Karen PAIK, Leslie IWERKS, To Infinity and beyond ! : the story of Pixar Animation Studios, Chronicle Books, 2010
 
Collectif, Pixarpedia, DK Publishing, 2009
 
Bill CAPODAGLI, Lynn JACKSON, The Disney way: harnessing the management secrets of Disney in your company, McGraw-Hill Professional, 2006
 
James B. STEWART, DisneyWar, Simon & Schuster, 2005
 
Donald DEPAMPHILIS, Mergers, acquisitions, and other restructuring activities: an integrated approach to process, tools, cases, and solutions, Etude de cas (p149-150), Academic Press Inc., 2007
 
André ROY, Dictionnaire général du cinéma : Du cinématographe à Internet : art, technique, industrie, Fides, 2007
(1)

pour une vue d'ensemble du studio 

(2)

Disney souhaitait en faire un direct-to-dvd comme pour ses propres suites telles que Le Roi Lion 2 ou Le Retour de Jafar, et Pixar, au vu de la qualité du scénario et de l’animation, est parvenu à imposer son point de vue : une sortie en salles. 

(3)

L’Expansion oppose les deux studios  

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