Emmanuel Macron sur le plateau de l'émission « Où va la France », diffusée le 15 décembre sur TF1 et LCI.

Emmanuel Macron sur le plateau de l'émission « Où va la France », diffusée le 15 décembre sur TF1 et LCI.

© Crédits photo : Ludovic Marin/AFP; Justine Babut.

Emmanuel Macron sur TF1 : de l’art délicat de faire le bilan

Pas encore officiellement candidat, Emmanuel Macron s'est essayé, ce 15 décembre, à un moment d'autocritique de presque deux heures sur TF1 et LCI. Un retour en arrière rare pour un président en exercice.

Temps de lecture : 3 min

« Le temps passe et passe et passe et beaucoup de choses ont changé / Qui aurait pu s'imaginer que le temps se serait si vite écoulé / On fait le bilan calmement en s'remémorant chaque instant », chantaient les Nèg’ Marrons en 2000. C’est à peu près ce qui aurait pu servir d’introduction à « Où va la France », l’émission en prime time de TF1 et LCI, diffusée ce jeudi. Enregistrée dimanche dernier (et « montée » ensuite sans intervention de l’Élysée), elle a été suivie sur la première chaîne par 3,82 millions de téléspectateurs et 384 000 sur LCI. Une audience correcte mais sans éclat pour celui qui n’est pas encore officiellement candidat à un second mandat.

« Cette émission, c’est le livre qu’Emmanuel Macron n’a pas écrit », anticipait Adrien Gindre, le chef du service politique de TF1/LCI, quelques heures avant sa diffusion, estimant que le programme « n’avait pas d’équivalent pour un président qui a vocation à être candidat ». Plutôt que l’écriture, le président de la République a donc privilégié cette bonne vieille télévision. Un choix tout sauf anodin pour Isabelle Veyrat-Masson, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de la communication politique : « TF1, c’est la télévision dans toute sa majesté et en choisissant cette chaîne, Emmanuel Macron rend un hommage symbolique à la puissance de ce média. » Il s’assure aussi une exposition maximale pour s’essayer à un exercice d’autocritique d’environ deux heures, qui sera diversement apprécié selon qu’on soit un de ses partisans ou un adversaire politique. Mais feint ou réel, ce retour en arrière est rare pour un président en exercice.

En fait, seul Nicolas Sarkozy y aurait songé, nous confie Adrien Gindre de TF1 : « Il avait eu en tête, à la fin de son mandat, en 2012, d’être interrogé sur sa volonté d’être à nouveau candidat. Il avait regretté de ne pas le faire car cela aurait été l’occasion pour lui de purger son quinquennat, de s’expliquer et peut-être de regretter des erreurs. » Si Nicolas Sarkozy avait bel et bien pris la parole avant d’être officiellement candidat à sa réélection, notamment lors d’une émission de plus d’une heure fin janvier 2012 (retransmise sur pas moins de huit chaînes et regardée par 16,5 millions de téléspectateurs), il n’en avait pas profité pour regarder dans le rétro. Au contraire, il avait déclaré : « Je ne suis pas là pour parler de moi ». Ce que son successeur voulait exactement faire pour tenter de répondre à une question récurrente : « Qui peut dire qui est vraiment Emmanuel Macron ? »

Moment lunaire

Le quotidien L’Opinion écrivait encore ces derniers jours : « Depuis près de cinq ans, les Français ont vu le chef de l’État enfiler successivement tous les costumes. Mais la personnalité du président reste un mystère pour beaucoup. Un handicap pour 2022. » Il fallait donc retisser du lien et à en croire Isabelle Veyrat-Masson, c’est exactement l’objectif d’Emmanuel Macron : « Cette émission, c’était une présentation de soi, une chronologie : d’où il vient, qui il est, très autocentrée sur sa personnalité face aux faits. Il n’a pas fait acte de contrition, mais a plutôt voulu montrer qu’il s’est adapté et que ses erreurs étaient dues à des excès de vitalité. Il a d’ailleurs beaucoup mis en scène son âge. »

TF1 et LCI avaient réuni le casting idoine pour mener cette opération « Confessions intimes » : Darius Rochebin, devenu l’un des intervieweurs phares de LCI, que le chef de l’État connaît et apprécie — selon Télérama, c’est même l’Élysée qui a demandé à ce qu’il interroge Macron, ce que TF1 dément — et Audrey Crespo-Mara, qui s’occupe depuis un an et demi du portrait de la semaine dans l’émission dominicale « Sept à Huit », où ses invités se livrent dans un face-à-face intime. Deux profils de « journalistes-confidents » qui collaient avec les intentions présidentielles, mais qui ont forcément fait naître des frustrations chez celles et ceux qui attendaient que le président soit confronté à son propre bilan. Ce sera pour un autre soir. Les deux journalistes ont en tout cas eu le mérite d’être patients, Emmanuel Macron est en effet arrivé avec 2 h 30 de retard pour l’enregistrement dimanche dernier…

Cette soirée inédite s’est achevée sur un moment lunaire. Alors que l’émission de TF1 devait ouvrir une nouvelle séquence médiatique pour Emmanuel Macron, qui le mènera très probablement vers l’annonce d’une nouvelle candidature, le chef de l’État a lâché une étrange phrase en fin d’interview : « Le temps viendra peut-être de faire le bilan. » Comme si les deux dernières heures n’avaient pas existé.

Ne passez pas à côté de nos analyses

Pour ne rien rater de l’analyse des médias par nos experts,
abonnez-vous gratuitement aux alertes La Revue des médias.

Retrouvez-nous sur vos réseaux sociaux favoris

Autres épisodes de la série

Spotify veut porter les sujets de société dans la présidentielle

La plateforme suédoise a lancé Président.iel, son premier podcast politique en France, centré sur les questions LGBTQIA+ et la place des femmes.